Faire face à la pénurie et à l'évaporation de l’eau

Le changement climatique et l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes représentent un défi majeur pour l'avenir de l'Europe et du reste du monde. L'un des aspects les plus importants de ce défi est la menace de la pénurie d'eau. Mais qu'est-ce que cela signifie pour vos rêves de piscine ? Et comment lutter efficacement contre l'évaporation ? Nous avons eu une conversation intéressante à ce sujet avec Joeri Dils, président de la Fédération belge des professionnels de la piscine et du bien-être et directeur commercial de T&A Group, une entreprise internationale qui fabrique des couvertures de piscine.

Texte: Reine Driesen

L'impact de la pénurie d'eau s'est fait sentir dans la plupart des pays européens au cours des dernières années. Des étés secs qui ont conduit à la désertification de l'Espagne et du Portugal aux graves inondations qui ont frappé la Wallonie en 2021 - le sol était si sec que les fortes précipitations ne pouvaient être absorbées. Pour faire face à ces conditions météorologiques extrêmes, la Commission européenne, sous la direction de la présidente Ursula von der Leyen, a introduit le « Green Deal » européen à la fin de l'année 2019. Cela s'est notamment traduit par une nouvelle norme (EN 17645) à laquelle les fabricants d'accessoires de piscine doivent se conformer pour rendre le secteur de la piscine plus durable. Autre conséquence, des restrictions (temporaires) de la consommation d'eau sont imposées dans de nombreux endroits en Europe. Exemple, ce printemps à Barcelone et à Gérone, de strictes restrictions d'eau ont déjà été imposées en raison de la sécheresse qui sévit actuellement. En Catalogne, au nord-est de l'Espagne, il n'a pas plu correctement depuis 37 mois. Pour économiser l'eau, plus de 6 millions d'habitants doivent respecter des mesures strictes. Le remplissage total ou partiel des piscines est interdit, tout comme le lavage des voitures et l'arrosage des jardins avec de l'eau potable. Si la situation s'aggrave, le gouvernement régional envisage de couper purement et simplement l'eau, même la nuit. Plus près de chez nous, dans certaines régions de France, il est déjà interdit de (re)remplir les piscines. En Belgique, il ne s'agit pour l'instant que de recommandations mais à l’avenir, cela pourrait changer. Joeri Dils nous fait part de son point de vue : « La façon dont les gens gèrent la pénurie d'eau en France et dans le reste de l'Europe ne doit certainement pas être négligée en Belgique. Outre l'interdiction de remplir les piscines, la France impose également des taxes supplémentaires sur la consommation excessive de l'eau, comme c'est le cas près de Marseille. Il s'agit généralement d'un forfait fixe pour la consommation moyenne d'une maison individuelle de quatre personnes. Toute consommation supérieure à cette moyenne est facturée en sus. Le remplissage des piscines n'est pas encore interdit en Belgique, mais il est possible que des taxes supplémentaires sur la consommation excessive de l'eau y soient introduites. Le cas échéant, cela pourrait représenter un coût supplémentaire important pour les personnes qui doivent remplir ou recharger fréquemment leur piscine ».

 

UNE PISCINE PERMANENTE RESTE LE MEILLEUR CHOIX
Pour lutter contre la pénurie d'eau, un gouvernement peut agir de deux manières. Soit il taxe plus lourdement la consommation excessive de l'eau, soit il l'interdit. Aucun de ces scénarios n'est une bonne nouvelle pour ceux qui rêvent d'une pièce d'eau dans leur jardin. Joeri Dils : « Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la consommation de l'eau des piscines est, en général, largement surestimée. Tout d'abord, il convient de faire la distinction entre les piscines permanentes et les piscines non permanentes. Une piscine non permanente (les piscines de surface ou gonflables typiques) est l'option la moins écologique des deux. Souvent, ces types de piscines ne disposent pas d'un traitement de l'eau ou d'un système de filtration adéquat. Par conséquent, elles doivent être remplies jusqu'à trois fois en été pour que l'eau de baignade soit de qualité suffisante. Alors sur une période de cinq ans, on parle rapidement d'une consommation de 180 m³ d'eau ». « En comparaison, la consommation de l'eau d'une piscine permanente n'est pas si mauvaise. Les systèmes modernes de traitement de l'eau ont été développés de telle sorte qu'il n'est plus nécessaire de changer l'eau de la piscine chaque année. Auparavant, l'eau des piscines était principalement désinfectée à l'aide de pastilles de chlore qui produisaient un sous-produit, l'acide cyanurique. Il s'agit d'une substance difficilement soluble dont la concentration ne peut être réduite qu'en remplaçant une partie de l'eau par de l'eau fraîche du robinet. Heureusement, ce n'est plus le cas lorsque l'on désinfecte la piscine avec des techniques modernes telles que le chlore liquide, l'hydrolyse, l'électrolyse du sel ou l'oxygène actif ».

    

 

RÉDUIRE ENCORE LA CONSOMMATION D'EAU
En Europe, la consommation d'eau de toutes les piscines est estimée entre 0,1 % et 1 % de la consommation totale de l'eau. Cela n'empêche pas l'industrie de la piscine de faire tout ce qu'elle peut pour réduire la consommation de l'eau des piscines. Joeri Dils : « La plus grande partie de la perte d'eau d'une piscine provient naturellement de l'évaporation. Vous pouvez facilement y remédier en installant une couverture et en fermant la piscine lorsque vous ne vous baignez pas. Il en va de même pour les piscines à débordement. Bien qu'elles soient belles à regarder, il est important de les couvrir lorsque vous ne vous baignez pas, et même d'arrêter le débordement à ce moment-là. En couvrant une piscine, vous pouvez réduire jusqu'à 80 % des pertes d'énergie, et les pertes d'énergie sont directement liées à l'évaporation ». Une autre perte d'eau importante est le lavage à contre-courant du filtre à sable ou à verre. Dans les piscines équipées de ce type de filtre, un lavage à contre-courant est généralement effectué une fois par semaine ou une fois tous les quinze jours pendant la saison de baignade. Joeri Dils : « Lors du lavage à contre-courant, 2 000 à 3 000 litres d'eau peuvent être rapidement perdus. Les personnes qui effectuent un lavage à contre-courant manuel peuvent choisir de le faire à des moments où le niveau d'eau de la piscine est plus élevé, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de la remplir à nouveau. Si votre piscine est équipée d'un système de lavage à contre-courant automatique, cette solution ne s'applique pas. Le lavage à contre-courant fonctionne alors automatiquement, même s'il n'a pas plu depuis un certain temps ». « Pour rendre le lavage à contre-courant plus durable, vous pouvez filtrer l'eau contaminée du lavage à contre-courant, la collecter dans un réservoir et l'utiliser pour remplir la piscine. Une autre option consiste à raccorder cette eau nettoyée à la maison afin qu'elle puisse être utilisée pour la chasse d'eau des toilettes, par exemple. Dans le pire des cas, l'eau peut être restituée à la nature par infiltration dans le sol, rétablissant ainsi le niveau de la nappe phréatique dans le jardin. De même, le trop-plein d'une piscine (qui retient également l'excédent d'eau de pluie) peut être collecté et réutilisé ». « Il est compréhensible que vous hésitiez à utiliser une grande grue pour creuser une fosse dans le sol alors que vous venez de faire aménager votre jardin. Lors de la rénovation d'une piscine, le passage d'un filtre à sable ou à verre à un filtre à cartouche est donc la meilleure option. L'installation est même assez facile car un filtre à cartouche a moins de perte de charge qu'un filtre à verre ou à sable. Dans les installations existantes, la pompe sera donc certainement assez puissante pour pomper l'eau à travers le filtre à cartouche. Par contre, il est beaucoup plus difficile de procéder en sens inverse. Si vous disposez déjà d'une installation avec un filtre à cartouche, vous ne pouvez pas simplement passer à un filtre à sable ou à verre, car la pompe risque de ne pas être correctement dimensionnée. Lors de l'installation d'un filtre à cartouche dans une nouvelle piscine, il est possible de réaliser une installation beaucoup plus légère qu'avec un filtre à verre ou à sable ».

   

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CONCRÈTEMENT, QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ?
Pour répondre à d'éventuelles restrictions et rendre le secteur des piscines plus durable, T&A a mis au point un outil qui permet de faire plus facilement un choix responsable. Ce « Energy Simulator » calcule, à l'aide d'un certain nombre de paramètres très spécifiques, la consommation d'eau et d'énergie d'une installation de piscine donnée. Il permet à votre piscinier de se faire une idée précise des différences de consommation entre les différentes options techniques. Nous examinons la différence de consommation d'eau avec et sans couverture pour une piscine hypothétique située à Sprimont.


NOUS CALCULONS LA DIFFÉRENCE SUR LA PISCINE HYPOTHÉTIQUE SUIVANTE :
› Dimensions : 10 x 4 x 1,40 m
› Type de piscine : monobloc, polypropylène, blanc
› Couverture : fond mobile
› Heures de baignade : deux heures par jour - de 17h00 à 19h00
› Saison de baignade : de début mai à fin septembre
› Température de l'eau de baignade : 29°C
› Chauffage : pompe à chaleur de 18 kWh - fonctionne de 10h00 à 18h00, avec un démarrage accéléré de 5 jours au début de la saison de baignade
› Intervalle de filtrage : 08:00 à 18:00 à 2100 rpm
› Panneaux solaires : 8 kWp, orientés vers le sud
› Fréquence de lavage à contre-courant : tous les quinze jours
› Intervalle de filtrage hivernal (hivernage actif) : 10h00 - 11h00 à 2100 tours/minute
› Protection contre le gel : à une température ambiante < 1°C à 1500 tr/min
› Localisation : Sprimont, Belgique - les conditions météorologiques sont remplies automatiquement en fonction du lieu.

Avec tous les paramètres introduits, nous constatons une consommation annuelle de 8,37 m³ d'eau. Sans couverture, cette même piscine consommerait 108,48 m³, et ce uniquement par évaporation.

AVEC COUVERTURE :
› Évaporation : 8,37 m³
› Consommation à contre-courant : 21,25 m³
› Pluie : 24,41 m³

Sans couverture :
› Évaporation : 108,48 m³
› Consommation à contre-courant : 21,25 m³
› Pluie : 24,41 m³


Le simulateur d'énergie utilise les données météorologiques des 10 dernières années provenant de toute l'Europe. Les calculs sont basés sur la pluviométrie moyenne pendant cette période à l’emplacement de la piscine. La simulation montre qu'à Sprimont, on peut s'attendre à une quantité d'eau de pluie d'environ 24,41 m³ sur la surface de la piscine. Si vous pouvez récupérer ces 24,41 m³ d'eau dans une citerne ou un puits, et que vous les utilisez plus tard pour remplir la piscine, vous n'aurez consommé que 5,2 m³ d'eau à la fin de l'année, même avec un lavage à contrecourant automatique. Sans couverture et sans récupération de l'eau de pluie, la consommation d'eau peut rapidement atteindre 130 m³. Il est donc indispensable de couvrir une piscine. Il en va de même pour les étangs de baignade. En couvrant la pièce d'eau, vous pouvez réduire considérablement la consommation d'eau. Si l'on compare une piscine hors sol d'un diamètre de 5 mètres et d'une profondeur de 60 cm, on arrive rapidement à la conclusion que cette piscine, si elle est remplie deux fois par an, consomme 24 m³ d’eau (π x r² x h). C'est presque trois fois plus que les 8,37 m³ de consommation d'eau due à l'évaporation de la piscine couverte.

 

LE COÛT ANNUEL D'UNE PISCINE
Si l'on examine les coûts, on constate que la couverture est également rentable en termes de coûts de consommation. Si l'on tient compte de l'évaporation, du lavage à contre-courant et des précipitations, la consommation de l’eau d’une piscine sans couverture s’élève à 105,32 m³. Cela représente une dépense d'eau de 421,28 € p ar a n. S i l a piscine s ans couverture est chauffée, le simulateur indique que le coût total annuel s'élève à 4722,63 €. En comparaison, dans l'exemple avec un fond mobile, le coût annuel est de 942,80 €. Il s'agit d'une très grande différence. La piscine couverte a donc une consommation d'eau de 5,2 m³ et un coût de chauffage de 942,80 € par an. Grâce au simulateur d'énergie de T&A, votre constructeur de piscine peut facilement comparer différents types de couverture. Un fond mobile offre une bonne isolation et fonctionne très bien contre l'évaporation de l'eau. Mais ceux qui optent pour une lamelle solaire économisent de l'énergie car la pompe à chaleur ne doit pas travailler autant. Dans ce cas, la consommation de l'eau reste plus ou moins la même, car l'évaporation est bien contrée par les deux couvertures. Mais il faut remarquer que les frais de chauffage sont moins élevés avec la couverture à lamelles solaires, car cette couverture utilise intelligemment la chaleur du soleil. Nous constatons une économie supplémentaire d'environ 200 €, ce qui ramène le coût total annuel à 759,48 €. Si l'on ne tient pas compte de la consommation du lavage à contre-courant en utilisant un filtre à cartouche, la consommation totale de l'eau se réduit à 8,37 m³ d'évaporation. Si l'on y ajoute les précipitations, il ne sera pas nécessaire de remplir la piscine. Une très belle économie sur la consommation d'eau, bénéfique pour l'environnement, qui ramène le coût total à 738,63 €. Le simulateur d'énergie de T&A a été développé pour aider les professionnels de la piscine et de l'étang de baignade à faire des choix en matière d'installation technique. En tant que particulier, vous ne pouvez pas utiliser l'outil personnellement, mais vous pouvez demander à votre constructeur de le faire. Vous éviterez ainsi les approximations lors de l’estimation de la consommation d'eau et d'énergie de votre piscine. Le simulateur vous fournit des chiffres tangibles et vous montre quels sont les meilleurs choix pour l'environnement et donc aussi pour votre portefeuille. Merci M. Dils pour ces explications!